mardi 24 janvier 2012

On lui fait dire n'importe quoi! (à Dante)

Lecteur cossu et / ou bibliophile, tu rêves peut-être d'ajouter à ta bibliothèque le chef d'œuvre de Dante en édition Pléïade ; n'en fais rien ! 

Lorsque j'étais jeune étudiante chercheuse sans le sou travaillant sur Dante, mes sœurs m'avait offert cette édition qui disposait d'un important appareil critique (et oui, éventuel jeune lecteur  "je te parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître", où internet était un pur fantasme inaccessible ce qui rendait les recherches bibliographiques longues, ardues, fastidieuses...).
Mais "la joie se changea vite en pleurs" : quelle déception! La traduction de Pézard était vieille, lourde, et surtout, elle transformait totalement l'esprit de la langue de Dante et son rythme ; cette langue se caractérise par sa fluidité, sa modernité, sa proximité avec l'italien contemporain, sa simplicité familière ; Pézard en a fait une langue archaïque, obscure et lourde, en lui donnant un vernis médiéval... totalement artificiel.
Choisis plutôt la très bonne traduction de Jacqueline Risset chez GF, dans une édition bien moins chère et bilingue qui plus est!
Juge plutôt :

Traduction d'André Pézard (La Pléiade) :

"Par moi va-t-on dans la cité dolente,
Par moi va-t-on dans l'éterne douleur,
Par moi va-t-on emmi la gent perdue.
Justice mut mon souverain auteur :
Ouvrage suis de divine puissance,
Et très haute sagesse et prime amour.
Nulle chose avant moi ne fut créée
Sinon éterne, et je dure éternelle.
Vous qui entrez, laissez toute espérance."

Traduction de Jacqueline Risset :

"Par moi on va dans la cité dolente,
par moi on va dans l'éternelle douleur,
par moi on va parmi la gent perdue.
Justice a mû mon sublime artisan,
puissance divine m'a faite,
et la haute sagesse et le premier amour.
Avant moi rien n'a jamais été créé
qui ne soit éternel, et moi je dure éternellement.
Vous qui entrez, laissez toute espérance."

L'original:

"Per me si va ne la città dolente,
per me si va ne l’etterno dolore,
per me si va tra la perduta gente.
Giustizia mosse il mio alto fattore:
fecemi la divina podestate,
la somma sapienza e ’l primo amore.
Dinanzi a me non fuor cose create
se non etterne, e io etterno duro.
Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate".

Inferno, Canto terzo
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2 commentaires:

  1. ah, moi j'ai une vieille version, que j'ai récupéré chez ma grand-mère. C'est une traduction d'André Pératé, avec des illustrations de Gustave Doré. Je reconnais que je n'ai pas encore eu le "courage" de me lancer dans cette lecture!

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  2. Ah les illustrations de Gustave Doré... j'en rêve, quelle chance tu as!!! Je ne connais pas la traduction de Pératé, je sais seulement qu'elle est assez ancienne. Je te conseille, si tu manques de "courage" ;-) de lire quelques chant, les plus connus ; il s'agit de poésie, tu peux lire l'oeuvre aussi sous forme d'extraits. Je te conseillerais pour l'Enfer le chant I, bien sûr, l'arrivée aux Enfers (III), le chant V avec la conversation avec le couple d'amoureux célèbres Paolo et Fransesca, superbe évocation des pouvoirs de la lecture, le chant XIII (les suicidés), le chant XXVI où Dante s'entretient avec Ulysse...

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