mercredi 18 janvier 2012

J'ai fini La Zone du Dehors, de Damasio

Lecture de pleine nuit jusqu'à ce que la fatigue l'emporte à 6h du matin, lecture sidérante et dévorante, lecture de rage, happée, captivée...  Lecture de veille, de réveil, dans tous les sens du terme.
Après le bouleversement de La Horde du contrevent, je repoussais celle-ci, craignant la fin de l'idylle, la déception, le désamour qui parfois nous éloignent, irrémédiablement, d'un auteur adoré ; heureusement, il n'en fut rien.

Les hommes de la Volte sont-ils les enfants ou les ancêtres de ceux de la Horde? Ils sont en tout cas leurs frères, frères surhumains que Nietzsche, dont  la flamme court tout au long cette dystopie, appelait de ses voeux, frères trop humains où chacun se reconnaîtra, interrogeant ses failles, ses fulgurances, ce qui fonde son humanité : "Aucun destin n'est inéluctable, l'arborescence des possibles nous tisse le sang aux poignets"

Interrogeant aussi, et c'est  une différence majeure avec La Horde du Contrevent, notre société post-moderne et son devenir, la tyrannie de nos démocraties molles qui endorment nos révoltes ( "nous n'avons jamais été aussi proches de ce que j'estime être le summum du pouvoir : une aliénation optimum sous les apparences d'une liberté totale"), la frontière fragile qui transforme la résistance en terrorisme, la tension entre morale et liberté, idéal et efficacité, la volonté de puissance. 

Ce n'est pas un livre qui se donne facilement, ni qui se donne à tous. La lecture est ardue, lecture de combat qui se heurte à la chair incomparable d'une écriture ambitieuse, et doit la saisir, s'y heurter, l'escalader, s'y éprouver
"Un! L'homme en vie, vitaliste, aux aguets
tout en explosion, frication,
ressenti, éprouve et épreuve." 

Roman de paroles, de circulation de la parole, à l'image des concertos des Voltés,  c'est aussi un roman d'action et de tension dramatique, de suspens efficace, de lutte armée, de trahison, de résistance.

L'univers est somptueux, on y retrouve les éléments chers à Damasio qui construisent aussi celui de La Horde : la matérialité et l'énergie, la métamorphose, l'élan et la friction, à travers un langue qui sans cesse elle aussi se transforme, éprouve ses limites, les dépasse, expérimente, saisit et dynamite, s'y frotte, explose; la langue d'un poète tout autant que celle d'un romancier :

Leur voix articulait de la roche et du sable, et dans leur frottement sourd montaient des animaux mythiques, méduses s'immisçant flottantes à travers les rideaux d'ammoniac ou tigres pourpres entraperçus dans les brumes du Dehors [...]



Change l'ordre du monde... plutôt que tes désirs... Tes désirs sont désordres...




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2 commentaires:

  1. Ca me manque de ne pas pouvoir lire sérieusement... Mais mon fils grandit et devient de plus en plus autonome et je commence à m'y remettre.

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  2. C'est difficile de lire, c'est vrai, avec des enfants petits ; j'ai la "chance" d'être clouée à la maison par une sciatique ; le seul avantage, c'est la lecture et le temps de bloguer !

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