vendredi 25 juin 2010

Je me souviens de Perec...


Le nez déjà dans mes projets et mes cours pour la rentrée, je me dis que j'ai envie de travailler sur W ou le souvenir d'enfance de Perec. J'adore Perec, et ce n'est pas pour une fois une hyperbole. C'est certainement l'auteur avec qui je rentre le plus totalement et systématiquement en "connexion", dans une relation  d'empathie extraordinaire, que ce soit par l'humour, l'intelligence partagée ou, comme c'est le cas pour W , par le bouleversement, au sens fort. J'ai pleuré la première fois que j'ai lu W, et l'émotion reste intacte et résiste même à l'analyse, ce qui est rare (parfois, je me dis que mon travail de prof de Lettres est un travail de destruction des textes, destruction de leur étrangeté, mystère, plaisir, opacité...)
Et pourtant, malgré les choses terribles qui se disent ici (qui se disent malgré tout), pas de pathétique, de mélo, de complaisance. Ce texte, un des plus terribles, des plus intimes qu'il m'ait été donné à lire, est aussi un des plus pudiques et élégants. C'est d'ailleurs dans cette tension que naît le bouleversement. C'est aussi un chef d'œuvre narratif, qui joue sur les codes du roman d'aventure, et dont la structure alternée constitue une expérience de lecture nouvelle et fascinante.

«C’est cela que je dis, c'est cela que j’écris et c'est cela seulement qui se trouve dans les mots que je trace, et dans les lignes que ces mots dessinent, et dans les blancs que laisse apparaître l’intervalle entre ces lignes […], je ne retrouverai jamais, dans mon ressassement même, que l'ultime reflet d'une parole absente à l’écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps auprès de leur corps ; j'écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie.»
Il faut lire W ou le souvenir d'enfance. Il faut se souvenir de Perec.


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mardi 22 juin 2010

mardi 15 juin 2010

Un musée à découvrir


C'est un musée que je conseille à tous, grands et petits, poètes, artistes ou scientifiques, rêveurs ou terre-à-terre ; et pour les demoiselles éprises de mode, voici un cadre extraordinaire pour une séance de "shooting"!

Saviez-vous que la plus grande collection de dinosaures d'Europe se trouve... à Bruxelles? Qui plus est, présentée à l'aide d'une muséographie magnifique, contemporaine (elle date de 2007), esthétique et ludique?

Que ce musée, dont certaines salles rappellent les Cabinets de Curiosités, recèle bien d'autres trésors, des collections de papillons et de coquillages fascinants et exotiques, des vivariums (vivaria?) devant lesquels jouer à se faire peur (les arachnophobes éviteront!), des minéraux féériques (éteignez la lumière pour voir briller les pierres phosphorescentes )... ?




J'ai particulièrement aimé la galerie consacrée aux squelettes d'iguanodons découverts dans la mine de Bernissart en 1878 : il s'agissait d'une découverte inouïe pour l'époque, et qui a joué un rôle majeur dans l'histoire de la paléontologie... sauf que le montage des squelettes (qui a été conservé) est totalement faux! La mise en scène évoque par sa beauté une installation contemporaine, et la promenade parmi les squelettes dressés autour de nous et reflétés par les miroirs est très impressionnante.


Si vous êtes accompagné d'enfants, de nombreuses activités animent les salles, et le musée n'est jamais ennuyeux. Les tarifs sont très accessibles, et on peut y déjeuner à un prix raisonnable.

Ce musée vaut largement pour moi celui de New-York... et on est si vite en Belgique!

Envie d'une virée à Bruxelles pour y affronter un Tyrannosaure?
Toutes les infos sont ici :



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Le mardi c'est permis #2- En vacances...

En vacances j'emmène...

... des carnets et des cahiers...
... ma boite de crayons Daler-Rowney et de l'aquarelle...

... un roman fleuve...

...mais aussi...


... mes outils d'architecte des sables !

Ceci est ma participation au "mardi c'est permis" de Pödane!

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vendredi 11 juin 2010

M comme : Magie, Mana, Ménage et caetera...



Je suis une grande enfant.
Et, malgré mon éducation cartésienne, je ne peux m'empêcher de rêver un Monde où un peu de Magie aurait le pouvoir de Métamorphoser notre quotidien.



Mes enfants m'aident à y jouer ; eux aussi aiment la Magie.




Je ne me suis jamais vraiment remise de la lecture de Tolkien... et à certaines périodes de l'année, un sortilège me donne le pouvoir de lancer des boules de feu et me transforme en une No Life ivre de Mana...
(mais motus ... c'est un secret que ne connaissent que mes amis les plus proches... une femme de mon âge! Vous vous rendez compte?)


Mais avouez : laquelle d'entre vous n'a pas rêvé d'être Samantha un jour de Ménage ?



Ceci est ma participation au Dico du Vendredi de Mes Petits Rayons de Soleil...
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mardi 8 juin 2010

Le mardi c'est permis : l'odeur de l'enfance






"Mais le vert paradis des Amours enfantines..."


C'est tout d'abord une perte ; que nul récit, nulle photo ne saurait résoudre.


Une longue perte répétée tout au long de l'enfance vagabonde, Saigon, Bogota, Yaoundé et Abidjan... A chaque fois les odeurs disparues restent en terre, uniques au lieu, absentes du lieu nouveau ; et à chaque fois une part entière de l'enfance reste avec elles.


Pourtant, il est une odeur, une seule qui m'a suivie, accompagnée à chaque mutation parentale.


L'odeur de l'orage, de la pluie des tropiques, et à chaque fois, dans chaque pays, les mêmes enfants rieurs sous les gouttes tièdes, l'odeur lourde, magnifique de la terre, les caniveaux qui débordent et l'odeur douceâtre des détritus qu'ils emportent... La couleur des ciels après la pluie...


Mon enfance a l'odeur de la mousson, l'odeur que je préfère au monde.





Je ne savais pas qu'en arrivant en France pour y vivre ma vie d'adulte, jamais plus je ne la retrouverais.




Ceci est ma participation au Mardi c'est permis de
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dimanche 6 juin 2010

J'ai lu Orages ordinaires ( Ordinary Thunderstorms) de William Boyd


Je pourrais dire que je l'ai commencé hier soir, vers 23h et fini un peu avant 05 h du matin, et cela suffirait...

J'ai toujours beaucoup apprécié W. Boyd, que ma mère m'a fait découvrir à l'adolescence ; Les Nouvelles Confessions contiennent une des plus belles scènes de lecture que j'ai jamais lues :

 "Karl-Heinz ne m’avait donné que le texte – j’ignorais le titre, j’ignorais l’auteur. Je ne savais rien du sujet du livre ni de son genre. Pourtant, assis là dans cette cellule, j’eus l’impression d’être à l’orée d’une merveilleuse aventure et de tenir entre mes mains fiévreuses quelque chose d’immensément précieux. Ce fut un instant divin. Il allait changer ma vie.
*
"Chapitre Un. "
Mon coeur battait follement d’impatience. La première phrase, le premier paragraphe...à quoi ressembleraient-ils ? Je lus :
" Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution [...] n’être fait comme aucun de ceux qui existent " Mon émotion fut telle qu’il me fallut reposer la page. Mon coeur se démenait dans ma poitrine, y battant à grands coups. [...] Mais jamais je n’ai lu un tel prologue à un livre, jamais je n’ai été aussi puissamment et immédiatement emporté. Qui était cet homme ? A qui appartenait cette voix qui m’interpellait si directement, dont l’impudeur effrontée retentissait de tant d’honnêteté sincère ? Hypnotisé, je poursuivis ma lecture
. "

J'ai aimé aussi Brazzaville Plage, La Croix et la Bannière, Comme neige au soleil, Un Anglais sous les Tropiques ...
Boyd est également un fantastique nouvelliste : Le Destin de Nathalie X , La femme sur la plage avec un chien et Visions Fugitives contiennent de véritables bijoux.

Orages ordinaires est un thriller londonien dans lequel j'ai retrouvé les qualités de cet écrivain : un déplacement léger du quotidien, un décalage subtil, qui en révèle alors toute la bizarrerie sous-jacente, l'étrangeté inhérente ; le goût assumé du romanesque et de la poésie du hasard ; des héros humains et imparfaits, des personnages secondaires autonomes, variés et très complets ; un humour très anglais, parfois loufoque (l'Église John Christ...)  ; un regard toujours juste et réactualisé sur l'époque ; beaucoup d'humanité, qui jamais ne tombe dans l'angélisme ni, à l'inverse, le cynisme ; une poésie des lieux, des gens et des choses à la quelle je suis très sensible : quelle belle idée par exemple que cet ensemenceur de nuages...
L'intrigue fonctionne bien par ailleurs, on se laisse prendre au suspens d'un thriller bien construit, capable aussi d'une vraie violence.
Il y a toujours une dimension cinématographique assumée chez Boyd (qui s'accomplit dans le beau personnage du cinéaste John James Todd des Nouvelles Confessions, et que l'on retrouve aussi dans  la chronique hollywoodienne que constitue Le Destin de Nathalie X ) : ainsi,  Orages Ordinaires m'a rappelé les meilleurs films des frères Cohen.

La "romance finale" m'a un peu moins convaincue, mais j'admets que cela fait partie des codes du genre ; et la fin ouverte parvient à maintenir le lecteur dans l'interrogation et à ouvrir l'espace du roman.

(Pour découvrir plus en détail les œuvres de William Boyd, je vous conseille cette page.)


Van Gogh, La liseuse de roman, 1888
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jeudi 3 juin 2010

Choses que j'aime (#1) - Sei Shonagon- Des noms à peindre...


Alors que l'immobilité forcée me rend sans doute plus contemplative  malgré moi, je me remémore ce soir ce livre que j'aime tant, les Notes de Chevet de Sei Shonagon :

Choses qui font battre le cœur
Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Passer devant un endroit où l’on fait jouer de petits enfants.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum. Même quand personne ne vous voit, on se sent heureuse du fond du cœur.
Une nuit où l’on attend quelqu’un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison. 

Choses qui ne servent plus à rien, mais qui rappellent le passé
Une natte à fleurs, vieille, et dont les bords usés sont en lambeaux.
Un paravent dont le papier, orné d’une peinture chinoise, est abîmé.
Un pin desséché, auquel s’accroche la glycine.
Une jupe d’apparat blanche, dont les dessins imprimés, bleu foncé, ont changé de couleur.
Un peintre dont la vue s’obscurcit.
Dans le jardin d’une jolie maison, un incendie a brûlé les arbres. L’étang avait d’abord gardé son aspect primitif ; mais il a été envahi par les lentilles d’eau, les herbes aquatiques. 

J'ai sorti ce soir ma boite d'aquarelles pour peindre l'iris que j'ai croqué cet après-midi au bord du bassin. Et je m'aperçois que parmi les choses que j'aime, vraiment, absolument, les noms des pigments occupent une place essentielle.
Le premier de tous, le préféré :  Caput mortuum violet au nom d'alchimie...


Mais aussi le Colibri or-royal, l'Aureoline, la Laque d’Alizarine Violette, la Laque de Garance et toutes ses nuances, le Jaune d'Inde et de Naples, la Pierre de Fiel, le Noir de Bougie, la Cendre Bleue, le Bleu Indigo, le Vert Antioche, le Violet d'Egypte, le Ton Rouge de Saturne...

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