jeudi 26 janvier 2012

Lisons : Claude Simon, "La Route des Flandres"

Comme toute l’œuvre de Claude Simon,  La Route des Flandres  s’écrit dans l’après-guerreS –les deux guerres mondiales, la guerre d’Espagne, les guerres de l’Empire et de la Révolution-, c'est-à-dire dans ce moment d’une coïncidence traumatisante et aliénante de la mémoire de soi et de la mémoire historique : pour la génération née en 1910, l’histoire individuelle et l’Histoire se confondent, alors qu’elle se découvre non seulement promise à mourir en 1940 mais aussi à voir mourir en elle une deuxième fois ses pères tués en 14-18.

Confrontée à la monstruosité d’une apocalypse sans cesse réitérée, l’humanité voit alors s’anéantir sa foi dans le progrès tandis que se trouvent dénoncées la vanité des constructions humaines en même temps que l’inutilité de la littérature. Et pourtant, face à la débâcle, subsiste la pulsion d’une parole conjuratrice ; mise en tension avec la terrible certitude de la vacuité de l’entreprise, cette pulsion rythme l’ensemble des dialogues, toujours au bord de la rupture ; la voix humaine en effet est la dernière possibilité de résistance, comme « un enfant siffle en traversant un bois dans le noir»: 
« deux voix faussement assurées, faussement sarcastiques, se haussant, se forçant, comme s’ils cherchaient à s’accrocher à elles espéraient grâce à elles conjurer cette espèce de sortilège, de liquéfaction, de débâcle, de désastre aveugle » (121)…

Et donc, pour survivre, il faut parler ; mais parler à qui ? A la putain de L’Acacia ? Au journaliste du Jardin des Plantes ? A Corinne ? « En tous cas pas à [elle] » (p.90) « La Route des Flandres » se heurte sans cesse à cette interrogation, au problème de la réception du discours. Cette indécision est aussi celle du lecteur, placé face à une énonciation infixable, labile et subversive, détruisant sans cesse les fragiles certitudes que l’on croyait acquises, soumise au surgissement anarchique des souvenirs ; perdu, malmené, asphyxié, happé par les flux du temps et de la mémoire, ce lecteur devient alors le double du narrateur et accède à l’expérience même qui lui est racontée.

Une lecture difficile mais indispensable et inoubliable ; une œuvre magistrale.





Vidéo : Colloque "Claude Simon géographe" :Frontières des terres, chevauchement des textes dans le roman de guerre simonien / Michel Bertrand Université Toulouse II-Le Mirail, 26-27 mai 2011.
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Une route bien étrange ... (Lecture d'"Angélique", de Nerval)

Waterhouse,
Gather ye Rosebuds while ye may, 1909

Des « filles de feu » on retient en général « Sylvie » ; mais c’est d’une autre nouvelle que je veux vous parler, « Angélique », véritable objet littéraire non identifié. 
Il s’agit d’une nouvelle épistolaire où nous suivons le narrateur-écrivain en quête d’un livre introuvable, sujet d’un de ses articles, tandis que plane sur lui la menace de la censure de l’amendement Riancey : «L’amendement Riancey plaçait les écrivains dans l’obligation de ne plus rien imaginer, puisque l’administration menaçait de sanctionner les journaux qui publiaient des romans, lesquels s’éloignent de l’analyse historique et du compte rendu de faits matériellement vrais. » (Michel Brix) 

Mais comme toutes les véritables quêtes (et peut-être la littérature), celle-ci est déceptive ; très vite nous nous égarons, de digressions en récits enchâssés, dans une errance aussi charmante que déstabilisante qui constitue finalement le véritable but du récit ; ce faisant, bien entendu, le récit s’écrit malgré et contre la censure, affirmant avec malice les pouvoirs du romanesque et plus généralement de la littérature. 
Il y a du Sterne dans cette nouvelle, et déjà du Perec et du Borges ( «Comme tous les hommes de la Bibliothèque, j'ai voyagé dans ma jeunesse ; j'ai effectué des pèlerinages à la recherche d'un livre et peut-être du catalogue des catalogues » ; Borges, « La bibliothèque de Babel »). Il y a surtout une déclaration d’amour à la fiction, au livre, à la liberté absolue du récit. Je vous incite vivement à lire cette nouvelle pour vous y perdre comme moi avec le sourire, et en compagnie de Nerval, qui vous prévient : « Ces jeunes filles fallacieuses nous firent faire une route bien étrange » (Angélique)…
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mardi 24 janvier 2012

J'ai tout compris : je me barre chez Free!

Je me suis enfin intéressée à mon forfait  ; il était temps, j'ai été négligente, je sais, mais je hais la paperasse...                                                                         Pour 61€ par mois (!!!) Orange m'offre généreusement 4 h de communication ; je m'aperçois que j'en utilise en général 1 h 30, et, en ce mois de janvier propice aux bonnes résolutions, je décide d'agir...

 Après avoir tenté de parler à des voix-robots ("Veuillez prononcer les mots correspondant à votre demande.
-Euuuh...... 
- Vous avez demandé la formule de communication illimitée sur toute l'Europe, veuillez patienter ...
- Mais non....putain j'comprends rien!  
- Je ne comprends pas votre demande, veuillez répéter... 
- Mais merde !!
- Désolée, je ne comprends pas votre...")
je me connecte donc au site pour changer de formule ; et là, Orange m'a soufflée par ses offres à la pointe de la compétitivité : certes, je ne peux pas basculer en formule 2h sans me déplacer en boutique mais je peux... tadam... obtenir un changement de formule sans réengagement et bénéficier d'un forfait 3 h à... 63 !!
Là j'ai compris, je me suis barrée chez Free.
(Bon d'accord, mon abonnement Orange courant jusqu'en octobre, je devrais payer 126 € de frais de résiliation ... mais avec l'abonnement illimité à 15€ 99...même moi j'ai réussi à faire le compte.)


Sur ce, je suis tombée sur cette info : "Hier, sur BFM Business, Stéphane Richard, patron d'Orange n'hésite pas à parler de "déception" pour certains nouveaux abonnés Free Mobile. "Depuis la semaine dernière, on a des ‘win back’, c’est-à-dire des clients qui reviennent de chez Free", affirme-t-il sans apporter la moindre preuve."

Aïe, aïe, aÏe j'ai peur! Aurais-je fait un grossière erreur en délaissant les merveilleuses 3 h orangesques à 63 de Stéphane Richard (qui en plus parle trop bien anglais) pour céder aux vulgaires et démagogiques sirènes low-cost et illimitées de Xavier Niel ?!? Vais-je me transformer en "win back", dont je suppute qu'il s'agit là d'une forme sophistiquée du loser ?!  Regretter mon choix ?!?
Ben en fait non...

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Projet 52- Mes photos préférées- #3, Gourmandise

Les participants du Projet 52 sur Vivre la photo nous ont fait saliver cette semaine! Voici mes photos préférées...

Tout d'abord, un coup de coeur absolu pour Mathias L. qui avec sa proposition retrouve l'esthétique des Natures mortes et Vanités de l'âge baroque ; je trouve sa photo fascinante et superbe :


Superbe photo aussi de Copeau 07 par son humour et sa composition :


Classicisme, simplicité, élégance chez @Eric ...


Elégance des formes aussi chez Cathy, perfection des lignes, des couleurs, de la mise en cadre...


Beaucoup de sobriété et d'élégance également dans le jeu de reflets de  Nathalie Valmaury :


Enfin, humour et humanité dans ce très beau portrait de Choucckette :



Vous pouvez aussi retrouver, sur son blog Views of time , la proposition de ma fille qui a choisi un portrait de son gourmand de frère...
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On lui fait dire n'importe quoi! (à Dante)

Lecteur cossu et / ou bibliophile, tu rêves peut-être d'ajouter à ta bibliothèque le chef d'œuvre de Dante en édition Pléïade ; n'en fais rien ! 

Lorsque j'étais jeune étudiante chercheuse sans le sou travaillant sur Dante, mes sœurs m'avait offert cette édition qui disposait d'un important appareil critique (et oui, éventuel jeune lecteur  "je te parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître", où internet était un pur fantasme inaccessible ce qui rendait les recherches bibliographiques longues, ardues, fastidieuses...).
Mais "la joie se changea vite en pleurs" : quelle déception! La traduction de Pézard était vieille, lourde, et surtout, elle transformait totalement l'esprit de la langue de Dante et son rythme ; cette langue se caractérise par sa fluidité, sa modernité, sa proximité avec l'italien contemporain, sa simplicité familière ; Pézard en a fait une langue archaïque, obscure et lourde, en lui donnant un vernis médiéval... totalement artificiel.
Choisis plutôt la très bonne traduction de Jacqueline Risset chez GF, dans une édition bien moins chère et bilingue qui plus est!
Juge plutôt :

Traduction d'André Pézard (La Pléiade) :

"Par moi va-t-on dans la cité dolente,
Par moi va-t-on dans l'éterne douleur,
Par moi va-t-on emmi la gent perdue.
Justice mut mon souverain auteur :
Ouvrage suis de divine puissance,
Et très haute sagesse et prime amour.
Nulle chose avant moi ne fut créée
Sinon éterne, et je dure éternelle.
Vous qui entrez, laissez toute espérance."

Traduction de Jacqueline Risset :

"Par moi on va dans la cité dolente,
par moi on va dans l'éternelle douleur,
par moi on va parmi la gent perdue.
Justice a mû mon sublime artisan,
puissance divine m'a faite,
et la haute sagesse et le premier amour.
Avant moi rien n'a jamais été créé
qui ne soit éternel, et moi je dure éternellement.
Vous qui entrez, laissez toute espérance."

L'original:

"Per me si va ne la città dolente,
per me si va ne l’etterno dolore,
per me si va tra la perduta gente.
Giustizia mosse il mio alto fattore:
fecemi la divina podestate,
la somma sapienza e ’l primo amore.
Dinanzi a me non fuor cose create
se non etterne, e io etterno duro.
Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate".

Inferno, Canto terzo
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lundi 23 janvier 2012

J'ai (presque) lu le Turquetto d'Arditi

Je n'ai pas fini ce livre dont j'ai lu hier la première partie... et je ne sais pas si je le finirai.
Pour moi, la lecture est un acte d'amour, un échange qui suppose qu'une connexion s'établisse, que le lecteur s'abandonne à la séduction ; or, ici, rien ne (se) passe, si ce n'est un profond ennui mêlé à une sourde exaspération.

Je partais pourtant facilement conquise : la renaissance italienne, le XVIème s. et  le lien littérature/peinture  sont trois passions qui ont aussi constitué mes champs d'étude... Mais quelle déception!

Dès les premières pages (la page 18 est assez insupportable et très représentative), l'overdose des points d'exclamations, qui tentent maladroitement de construire l'intériorité des personnages à défaut de maîtrise du discours indirect libre, a provoqué chez moi un rire nerveux  ; c'est assez gênant, étant donné le manque total d'humour de ce récit... Quant à l'érotisme de pacotille mettant en scène des jeunes filles (ou plutôt des enfants!) de douze ans, et convoque les pires poncifs : le harem, le lesbianisme... Certes, page 66, l'auteur semble se souvenir que "c'est pas bien, l'esclavage" et ajoute in extremis une petite anecdote tire-larme, ce qui ajoute l'hypocrisie à l'ensemble.
En ce qui concerne l'exotisme de Constantinople, je pense que la lecture du Guide du Routard m'apporterait plus de dépaysement : aucun univers ici, aucune odeur, aucun bruit, aucune matière, aucune couleur (ce qui est assez paradoxal lorsqu'on prétend raconter la vie d'un peintre) : quel manque de corps! (à part celui des jeunes filles dont j'ai déjà parlées...)
Tout ceci à travers une construction boiteuse, une structure qui manque de rythme malgré la brièveté des chapitres, des incohérences narratives : en une demi-page, le héros abandonne le projet mis en place sur plusieurs chapitres et part à Venise : pourquoi, comment? On n'en saura rien. Je ne sais pas non plus pourquoi une ellipse de 43 ans sépare les deux premières parties, sans justification particulière, provoquant l'abandon de la plupart des personnages "installés" au début  ; on l'apprend peut-être plus tard... mais il faudrait pour le vérifier que je poursuive et je doute d'en avoir le courage...
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mercredi 18 janvier 2012

J'ai fini La Zone du Dehors, de Damasio

Lecture de pleine nuit jusqu'à ce que la fatigue l'emporte à 6h du matin, lecture sidérante et dévorante, lecture de rage, happée, captivée...  Lecture de veille, de réveil, dans tous les sens du terme.
Après le bouleversement de La Horde du contrevent, je repoussais celle-ci, craignant la fin de l'idylle, la déception, le désamour qui parfois nous éloignent, irrémédiablement, d'un auteur adoré ; heureusement, il n'en fut rien.

Les hommes de la Volte sont-ils les enfants ou les ancêtres de ceux de la Horde? Ils sont en tout cas leurs frères, frères surhumains que Nietzsche, dont  la flamme court tout au long cette dystopie, appelait de ses voeux, frères trop humains où chacun se reconnaîtra, interrogeant ses failles, ses fulgurances, ce qui fonde son humanité : "Aucun destin n'est inéluctable, l'arborescence des possibles nous tisse le sang aux poignets"

Interrogeant aussi, et c'est  une différence majeure avec La Horde du Contrevent, notre société post-moderne et son devenir, la tyrannie de nos démocraties molles qui endorment nos révoltes ( "nous n'avons jamais été aussi proches de ce que j'estime être le summum du pouvoir : une aliénation optimum sous les apparences d'une liberté totale"), la frontière fragile qui transforme la résistance en terrorisme, la tension entre morale et liberté, idéal et efficacité, la volonté de puissance. 

Ce n'est pas un livre qui se donne facilement, ni qui se donne à tous. La lecture est ardue, lecture de combat qui se heurte à la chair incomparable d'une écriture ambitieuse, et doit la saisir, s'y heurter, l'escalader, s'y éprouver
"Un! L'homme en vie, vitaliste, aux aguets
tout en explosion, frication,
ressenti, éprouve et épreuve." 

Roman de paroles, de circulation de la parole, à l'image des concertos des Voltés,  c'est aussi un roman d'action et de tension dramatique, de suspens efficace, de lutte armée, de trahison, de résistance.

L'univers est somptueux, on y retrouve les éléments chers à Damasio qui construisent aussi celui de La Horde : la matérialité et l'énergie, la métamorphose, l'élan et la friction, à travers un langue qui sans cesse elle aussi se transforme, éprouve ses limites, les dépasse, expérimente, saisit et dynamite, s'y frotte, explose; la langue d'un poète tout autant que celle d'un romancier :

Leur voix articulait de la roche et du sable, et dans leur frottement sourd montaient des animaux mythiques, méduses s'immisçant flottantes à travers les rideaux d'ammoniac ou tigres pourpres entraperçus dans les brumes du Dehors [...]



Change l'ordre du monde... plutôt que tes désirs... Tes désirs sont désordres...




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lundi 16 janvier 2012

Projet 52- Mes photos préférées- #2, Résolution




Le Projet 52 ça se passe ici !

Par sa polysémie, sa dimension à la fois concrète et abstraite, les domaines très différents qu'il convoquait, sa dimension métatextuelle qui invitait à la mise en abyme et à la réflexion sur l'acte photographique, le thème de cette semaine m'a particulièrement intéressée, au point d'ailleurs que j'ai eu envie d'y participer en m'amusant avec cette proposition (surtout parce que j'avais envie de photographier ce petit pirate à vrai dire)

Mes photos préférées sont
1) celles qui ont su exploiter (à mon avis, c'est bien sûr tout à fait subjectif) cette polysémie ; souvent, la démarche, les recherches, les expérimentations sont exposées sur les blogs,  et c'est très intéressant.
2) celles qui en suivant l'axe -majoritaire- des "bonnes résolutions" l'ont dépassé en proposant un objet photographique où la recherche esthétique, la "mise en cadre",  accompagne l'illustration, voire l'emporte ; 
bon, bref, beaucoup de blabla, tout ça pour dire que voici mes coups de coeur de la semaine :




Aurore

 













Lilo 2562


Alex

 Copeau 07

 Fany
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Modéles retouchés?... Mieux vaut en rire!

C'est ce que fait cette pub : allez, on passe l'aspirateur! 



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Dehors...


"Se libérer, ne croyez surtout pas que c’est être soi-même. C’est s’inventer comme autre que soi. Autres matières : flux, fluides, flammes… Autres formes: métamorphoses. Déchirez la gangue qui scande “vous êtes ceci”, “vous êtes cela”, “vous êtes…”. Ne soyez rien : devenez sans cesse. L’intériorité est un piège. L’individu? Une camisole. Soyez toujours pour vous-mêmes votre dehors, le dehors de toute chose."





Je lis....... La Zone du Dehors de Damasio


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dimanche 15 janvier 2012

Des livres à la page # 1 Dalva, Jim Harrison


J'ai eu envie d'un nouveau rendez-vous, où je vous proposerai mes livres préférés à travers un extrait particulièrement aimé; la règle ? Que je me souvienne suffisamment de l'extrait pour ne pas avoir à chercher, que les mots me viennent aussitôt en tête... c'est le cas de la première phrase de
Dalva, de Jim Harrison,
un auteur qui m'est très cher...













7 avril 1986, 4h du matin — Santa Monica
Aujourd’hui, ou plutôt hier, il m’a dit qu’il importait de ne pas accepter la vie comme une approximation brutale. Je lui ai répondu que les gens de ce quartier ne parlaient pas comme ça. La luciole qui vole maintenant près de moi dans le noir devient toutes les lucioles que j’aie jamais vues. Je suis sur le divan; à mon réveil j’ai cru entendre des voix au bord de la rivière, un bras de la Niobrara où, vêtue d’une robe blanche, j’ai été baptisée avec ma sœur. Un garçon a crié serpent d’eau, et le prédicateur a dit passe ton chemin, ô serpent, ce qui nous a tous fait rire. Le serpent s’est éloigné dans le courant, puis les chants ont commencé. Ici, il n’y a pas de rivière dans les environs. J’allume la lampe au-dessus du divan et constate qu’il n’est plus là. Malgré l’heure tardive j’entends le chuintement des pneus d’une voiture sur la route de la côte. Il y a toujours des voitures. La fille en maillot de bain vert a été renversée sept fois avant que la dernière voiture ne l’envoie bouler dans le fossé. Selon l’autopsie, elle avait pris un mélange d’héroïne et de cocaïne californiennes. Son maillot de bain était de la même couleur que le blé d’hiver dans mon souvenir, un vert presque phosphorescent à la fonte des neiges. C’était si bon de voir une autre couleur sur la terre, en dehors de l’herbe marron, de la neige blanche et des arbres noirs. Maintenant, entre deux voitures, j’entends l’océan; et la brise qui soulève les rideaux bleu pâle apporte une odeur marine semblable à celle de ma peau. Je suis plutôt heureuse, même si je vais sans doute devoir déménager après toutes ces années, sept en fait. J’ai une éraflure à la cuisse, on dirait une brûlure superficielle, à cause de sa moustache. Quand il m’a proposé de raser celle-ci, je lui ai répondu qu’il serait perdu sans elle. Ma réponse l’a mis en colère, comme si sa vanité ne dépendait que d’un attribut aussi dérisoire qu’une moustache. Bien sûr, il n’écoutait pas mes paroles, mais toutes les résonances imaginaires qu’elles suscitaient en lui. Lorsque j’ai éclaté de rire, il s’est mis à arpenter la pièce d’un pas furieux, seulement vêtu de son caleçon qui flottait sur ses fesses. C’était plutôt chaleureux et amusant, mais quand il a voulu me saisir aux épaules pour me secouer, je lui ai dit de rentrer à son hôtel et de se branler devant la glace jusqu’à ce qu’il ait vraiment envie d’être à nouveau avec moi. Là-dessus, il est parti.
 
Je croyais écrire ceci à mon fils au cas où je ne le verrais jamais et s’il m’arrivait quelque chose, pour que ces mots lui disent qui est sa mère. Mon ami d’hier soir m’a rétorqué : Et s’il n’en vaut pas la peine? Cela ne m’était jamais venu à l’esprit. J’ignore où il se trouve et je ne l’ai jamais vu, sinon quelques instants après sa naissance. Je n’ose me mettre à sa recherche, car je ne suis pas certaine qu’il connaisse mon existence. Ses parents adoptifs ne lui ont peut-être jamais dit qu’il a été adopté. Il s’agit moins d’un problème sentimental que d’un projet laissé en plan, le désir de rencontrer quelqu’un que je n’ai pas vraiment le droit de connaître. Mais faire la connaissance de ce fils parachèverait cette liberté que les hommes de mon entourage semblent considérer comme un dû. Et puis, mon fils me cherche peut-être?

Je m’appelle Dalva. C’est un prénom assez étrange pour une femme originaire du nord du Middle West, mais l’explication en est simple. Le frère aîné de mon père céda à l’esprit de révolte et à l’attrait des magazines d’aventures; il se fit marin sur des navires marchands, chercheur d’or et de métaux précieux, et enfin géologue. Vers la fin de la Grande Dépression, Paul écumait l’intérieur du Brésil; il dilapida à Rio presque tout son argent, puis revint à la ferme avec quelques cadeaux, dont un disque 78 tours des sambas de l’époque. L’une de ces sambas — en portugais bien sûr — s’intitulait Estrella Dalva, soit « Etoile du Matin », et mes parents adorèrent cette chanson. Naomi, ma mère, m’a raconté que par les chaudes soirées d’été mon père et elle mettaient le fameux disque sur le Victrola, puis dansaient sur toute la longueur de l’immense véranda de la ferme. Avant de disparaître à nouveau, mon oncle Paul leur avait appris les pas de ce qu’il croyait être la samba.
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samedi 14 janvier 2012

Projet 52, 2 - Résolution (ma proposition)


N'a-t-il pas l'air résolu mon petit pirate?




Le thème me plaisait tellement cette semaine que cette fois-ci j'ai décidé de me lancer et de participer ; surtout que mon ado photographiante  ne l'a pas du tout traité de cette façon (sa proposition est sur son blog, ici), et que c'était d'autant plus intéressant d'échanger. J'ai eu du mal avec l'éclat de la lumière sur le mur, mais je tenais à intégrer une ombre alors...  Il aurait fallu un flash mobile, je n'avais qu'un spot... Je ne suis donc pas très satisfaite de la lumière...


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Dire, se taire

Il est des choses que tu voudrais dire ; des peurs, des vibrances, des élans. Des choses que tu voudrais dire mais que tu ne dis pas. Tu parles, tu parles beaucoup, mais tu ne les dis pas. 

Sur ton mur défilent les statuts dérisoires, les faux partages de musique que personne n’écoute, d’images que personne ne regarde vraiment. Tu blogues aussi. Tu écris des choses. Mais ces choses, les choses que tu voudrais dire vraiment, les choses que tout le reste ne sert qu’à cacher, tu ne les dis pas. 

Pourtant, tu sais que c’est là l’essentiel ; que toute ta vie s’est construite dans le besoin de les dire ; que depuis toujours tu cherches celles et ceux à qui tu les diras. Tu as cru les reconnaître parfois; mais soit tu t’es trompée, ils n’étaient pas ceux qui pouvaient les entendre (Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte... ) Soit tu as pensé que si ils étaient ceux-là, ils n’avaient justement pas besoin que tu les dises, ces choses; qu’ils savaient. Alors tu t’es tue, tu as attendu; tu n’as jamais vraiment su. 

Tu vis dans le mythe de la compréhension des cœurs, la reconnaissance des âmes. Sans doute tu as trop lu, trop jeune. Thomas Mann, Aragon, Stendhal, Duras, Rousseau, Baudelaire… Usant à l'envi leurs chaleurs dernières, Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux, Qui réfléchiront leurs doubles lumières Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux. Ils sont sans doute aussi responsables de cette illusion. 

De toute façon, depuis des années, tu ne dis plus rien ; tu sais que tu ne supporterais plus de te tromper encore; de rester ainsi, avec toutes ces choses déballées devant toi soudain inutiles ; alors tu ne les dis pas, et pourtant, toujours, tu espères pouvoir enfin les dire un jour. Tu relis les mots de Nerval:
« Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même et des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c'est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles. »

Tu parles, tu parles beaucoup… 
Il est des choses que tu voudrais dire, des peurs, des vibrances, des élans. 

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram…
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vendredi 13 janvier 2012

Mère-Fille... ça promet...


Dans la famille Roseau je demande la fille,photographiée par la mère... et la mère, photographiée par la fille....

Après-midi mère-fille seules aujourd'hui à la maison, par les hasards d'un emploi du temps exceptionnel... Et donc nous nous sommes consacrées au Projet 52 ; le problème, c'est ce "nous" ; parce qu'en fait c'est son projet ; sauf que, bien entendu, je m'en mêle ; et que, bien entendu -et elle a bien raison- elle n'écoute pas mes conseils...

Et ça m'énnnneeeeeeeeeerrrrrrrrrrve !!!!!!!!! Presque autant que ........... lorsqu'on me donne des conseils (surtout mes parents qui sont persuadés qu'ils savent tout mieux que moi...)
J'ai eu bien du mal à la fin à lui abandonner la souris pour les derniers détails... Le pire étant que mon intrusion est motivée par l'immense admiration et amour que je lui porte...

Conclusion : je sens que lorsqu'elle devra éventuellement
- choisir un métier
- me présenter quelqu'un
- élever ses enfants...
je vais me transformer en une personne monstrueuse que même moi je ne supporterai pas...
C'est grave docteur?

Bon sinon, on a quand même réussi à trouver un équilibre entre mes conseils intempestifs et ses certitudes d'adolescente ... et on s'est finalement bien amusées... Le résultat final est visible sur son blog, ici... 

Et vous ? Vous les gérez comment les conseils mère-fille? (ou père-fils !)

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jeudi 12 janvier 2012

C'est d'un grotesque...


Pauvres tigres ; pauvre mangrove ; pauvre Vietnam...

La quintessence de notre société dans ce qu'elle a de plus absurde... (pour ne pas dire débile)
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Une rencontre sur Internet...

Le titre, tout de suite, paraît alléchant... Cette  femme nous racontera-t-elle ici ses nuits passées à hanter les sites de rencontre, ces folâtreries virtuelles,  les désillusions drolatiques de rendez-vous meetic ?


Et bien non, c'est d'un autre type de rencontres que je vais vous parler ici, une rencontre cependant où le hasard, l'attirance, l'échange eurent une place essentielle...



Le hasard 



Je l'avoue : j'ai une passion un peu bizarre pour l'onglet "Blog suivant" sur Blogger ; pour ceux qui ne connaîtraient pas, c'est une sorte de zappeur qui te permet d'errer à l'aventure sur les centaines de milliers de blogs blogger (ne testez pas ça maintenant, finissez d'abord de lire l'article!) ; vous passez en un clic du Japon aux USA (qui il faut l'avouer sont sur-représentés) ; vous tombez parfois sur des choses surprenantes, souvent sur des blogs chrétiens (sur-représentés parmi les blogs américains sur-représentés), napperons chrétiens, cuisine chrétienne, randonnées chrétiennes, rock chrétien, chiens chrétiens, et tout ce que vous pourrez imaginer de chrétien (ou même que vous ne pourrez pas) ; par exemple, là en écrivant, j'ai zappé et :


Des fois, vous découvrez aussi des trucs super, comme / know / feel, un blog finnois qui est devenu un de mes préférés parce que Katri Jenni Sofia, bien que finnoise, aime tout comme moi j'aime.
Bref , voici donc comment je passe des nuits palpitantes et rigolotes avec moi-même toute seule durant mes longues et répétées insomnies.

L'attirance
Or donc, j'étais ainsi en train de m'adonner à ma pratique solitaire et un peu honteuse lorsque ici, j'ai vu ça :



Coup de foudre absolu ; sauf qu'il n'y avait aucun nom d'auteur, nulle part, aucune indication, et que le nom du blog, Goldilocks Zone,  n'indiquait pas grand chose ...

Alors j'ai fait ça :


L'échange

Et puis j'ai attendu, attendu ("elle n'est jamais venue, zaïe, zaïe, zaïe"... excusez-moi...)

Et puis Carl Dimitri (c'est lui!) m'a contacté par mon blog en commentant ici (il se passe des choses trépidantes sur ce blog, c'est dingue); ça n'avait rien à voir avec l'article à commenter mais franchement je m'en foutais.
Et puis on a échangé des mails ;et il est très, très gentil, et son copain Martin Guenette, qui met en ligne également des toiles sur le blog, aussi ; comme j'ai de la chance, toutes mes toiles préférées n'étaient pas vendues ; et comme on a vraiment sympathisé, il m'a proposé un prix plus intéressant que celui de  la galerie en ligne où il expose (Saatchi on line) ; bref, à Martin Guenette je vais acheter celle-ci :



et à Carl Dimitri, celle-là :



Nous nous rencontrerons certainement cet été, puisque il habite à Providence et que je passe le mois d'août dans la région de New-York ; j'espère visiter son atelier.

J'adore internet.

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mercredi 11 janvier 2012

Les soldes? Ce sera sans moi!!


- parce que je préfère d'autres combats

Printemps arabe? Non, soldes...


- parce que je déteste être là où on nous attend (surtout quand "on" ne voit en moi que la ménagère de moins de 50 ans)

- parce que les "marronniers" du JT me gonflent considérablement : c'est ça votre info ? Vous êtes sûrs qu'il n'y a pas autre chose à dire, sur la Syrie par exemple ?!Ça valait le coup de faire une école de journalisme...

La une du 13h de TF1... on a là de sérieux concurrents pour le prix Albert Londres...
- parce que je hais la foule ; en tous cas celle-ci


- parce que près de chez moi, il y a les fantastiques magasins d'usine de Roubaix, où je peux aller tranquillement toute l'année

- parce que nous à Lille on a la braderie et c'est plus rigolo


- parce que grâce au réchauffement climatique de toute façon dans deux mois on sort les robes d'été

- parce que je suis une femme de lubies et qu'au moment des soldes,  c'est trop tard, je n'ai plus envie

- parce que j'ai mauvais caractère et l'esprit de contradiction
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