mercredi 24 février 2010

Bazar, Bordel, Capharnaüm, Fourbi, Pagaille, Souk ... : Désordre


Mon fantasme absolu : Mary Poppins ; toutes celles et ceux qui portent comme moi la malédiction du désordre comprendront.
Je hais le désordre, je ne le supporte pas ; mais je déteste tout autant ranger. Pire je suis incapable de ranger : malgré tous les efforts déployés, rien n'y fait : c'est le bazar.  Non mais, vous avez-vu cette page de blog? Ça s'empile, ça s'entasse, ça s'accumule. Typique.
Pourtant, je rêve d'espaces zen et dépouillés, de surfaces nues où chaque chose serait à sa place. Je parcours avec avidité  les pages rangement d'Ikea, pleines d'objets magiques qui portent en eux la promesse de faire de chacune d'entre nous une Mary Poppins...


Mon sens critique se dissout dans les jets javellisés que projettent vers moi
les dealers de propreté et je me précipite régulièrement au supermarché pour acquérir le dernier Super-Power-Plus-Clean-Pchitt : quelle déception quand je découvre que si, il faut quand même frotter!
Ce n'est pas que je sois une souillon ou une fainéante invétérée. C'est juste que, malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à m'épanouir dans les joies du ménage, et que l'échappatoire est vite trouvée : un livre à finir, une toile à commencer, des fleurs à semer, un endroit à visiter, un film à voir... Lorsque enfin s'ouvre un temps de loisir, comment accepter de le remplir avec un seau d'eau et une serpillère? D'autant que M. Roseau et les petits Roseaux sont encore plus bordéliques que moi. Infiniment plus. Et sans vergogne, eux. Si bien que mes velléités sont rapidement contrecarrées par le constat que de toute façon, mes efforts n'ont servi à rien (et qu'en plus j'ai loupé l'expo).
Une femme de ménage me direz vous? Non, car j'ai été très bien élevée. Je ne supporte pas d'accueillir quelqu'un dans une maison mal rangée ; et donc il faudrait que je range avant de faire venir la femme (ou l'homme!) de ménage. La quadrature du cercle.

Et puis un jour j'ai lu cet article dans mon Libé préféré (encore plus préféré depuis ce jour-là). Et depuis, lorsque je contemple mon bureau, je me dis qu'en fait, je suis peut-être un génie. Merci Libé.

Vive le désordre ! (Libération, mars 2008)

Interview

MALLAVAL Catherine
Dans notre petit monde qui se veut bien rangé, bien ordonné, bien propret, Eric Abrahamson déboule avec son bouquin qui fleure bon l'envie de mettre le binz : Un peu de désordre = beaucoup de profit(s) (1). Succès aux Etats-Unis, traduit en 23 langues, cet ouvrage raille les «pervers amateurs d'ordre», typiquement le chef du personnel qui exige que les demandes de congés soient posées trois mois à l'avance. Pique au vif les «tartufes de l'ordre», genre le collègue qui dégaine fissa son agenda électronique dès que le patron se met à parler de délais. Sans oublier d'égratigner ces «tartarins de l'ordre». Par exemple, un PDG qui attribue à son changement de stratégie une légère et récente augmentation des ventes. Un anar cet Abrahamson ? Point, un spécialiste des organisations, prof de management à la business school de l'université de Columbia à New York. Entretien.
En quoi l'ordre est-il nocif ?
Le rangement, la classification, la planification ont tendance à devenir pour beaucoup d'entre nous une fin en soi. Dans les bonnes résolutions du début d'année, devenir mieux organisé figure en troisième position. Mais on oublie que cela prend du temps et qu'il est coûteux de s'organiser. Passé un certain stade, cela ne vaut pas le coup. Personnellement, j'ai atteint un stade de désorganisation optimale. Autrement dit, si je passais plus de temps à m'organiser je perdrais du temps.
Qu'y a-t-il de plus inquiétant, un bureau parfaitement rangé ou en bazar ?
Ça se discute vraiment. Un bureau très désordonné peut laisser penser à certains que la personne ne contrôle pas sa vie. A l'inverse, quand un bureau est extrêmement rangé, on peut se demander ce que fout le type (ou la femme) qui l'occupe. Peut-être passe-t-il plus de temps à ranger qu'à travailler ? En tout cas, selon une enquête effectuée sur Internet, les personnes qui assurent avoir un bureau «impeccable» passent plus de temps (la différence est de 36 %) à chercher quelque chose que celles qui concèdent avoir un bureau «assez en désordre». Cela dit, les gens qui ont une position hiérarchique sont un peu tenus d'avoir un bureau bien rangé, tant le désordre a mauvaise réputation et tant l'ordre est rassurant. Dans mon bureau, on a l'impression qu'une bombe a explosé. Toute surface plate est occupée par des piles. L'avantage, c'est que ce qu'il y a de plus récent et de plus important est en haut. Le désordre n'est pas nécessairement une absence d'ordre. Et je ne dis pas qu'il faut le désordre complet, mais pas un ordre complet.
Comment le désordre peut-il être productif ?
D'abord, d'un point de vue psychologique, ceux qui pratiquent le désordre sont souvent ceux qui sont les plus ouverts aux nouvelles expériences. Ensuite, un minimum de désordre est indispensable à la créativité. Car cela permet de mettre en contact des choses qui dans un monde ordonné ne se seraient pas rencontrées. Par exemple, dans les années 50, le chercheur Leon A. Heppel n'aurait peut-être pas découvert l'action régulatrice des hormones sur les cellules sans le légendaire capharnaüm qui régnait sur son bureau. C'est dans cet environnement qu'il a un jour fait la connexion entre deux lettres de confrères décrivant deux résultats différents du même processus cellulaire. Les entreprises les plus désordonnées auxquelles j'ai eu affaire sont celles qui inventent des jeux. Là, impossible de mettre de l'ordre dans les horaires de travail et dans l'espace en général encombré de tas de trucs disparates. A l'inverse, j'ai aussi été confronté à des boîtes paralysées à force de procédures ou tellement obsédées par la planification qu'elles peuvent se laisser enfermer dans des stratégies erronées et/ou ignorer des opportunités.
D'où vient l'ordre ?
Dieu, qui créa le ciel et la Terre, est l'organisateur professionnel par excellence, alors que Satan est le grand désorganisateur des croyances. Le premier ordre créé est celui des religieux destiné à maintenir l'orthodoxie de la pensée. On assiste à un regain pour lui lors de la révolution industrielle. Les ingénieurs qui ont pris le pouvoir rêvent d'organiser la société comme une machine dont les employés seraient l'engrenage. Et à la maison, les femmes deviennent l'ingénieur du rangement. C'est revenu récemment, sans doute parce que l'on vit dans une période où les gens ont l'impression de ne plus rien contrôler. Aux Etats-Unis, on a ainsi vu fleurir la profession d'organisateur qui pour 100 dollars de l'heure vous rangent tout !
N'est-ce pas surréaliste ?
60 % des gens se sentent culpabilisés par leur désordre. Et 1/8 des couples disent s'être séparés sur des questions de désordre. Mais quand les deux sont ordonnés, il y en a toujours un qui l'est moins que l'autre. Ou pas de la même manière.
(1) Coécrit avec le journaliste David H.Freedman, éd. Flammarion.
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1 commentaire:

  1. Ah ah tu m'as bien fait rire parce que je suis comme toi ! Mary Poppins est mon fantasme absolu et je rêve aussi de tous ces rangements Ikea si pratique, si organisé. Chez moi, c'est un bordel sans nom alors que je déteste le bordel mais je hais encore plus ranger. Surtout que je ne sais jamais comment ranger... De toute façon, l'idée même de me mettre au faire du rangement me file des boutons.
    Et par dessus tout, j'ai en horreur le ménage et je maudis ces pubs qui nous promettent des produits "sans frotter"... que dalle oui !
    Et merci pour m'avoir fait découvrir cet article sur le désordre. Un peu de sagesse, ça fait du bien ! :)
    Ah et j'ai découvert ton blog grâce à Hellocoton et j'aime beaucoup ! ^^

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