samedi 14 janvier 2012

Dire, se taire

Il est des choses que tu voudrais dire ; des peurs, des vibrances, des élans. Des choses que tu voudrais dire mais que tu ne dis pas. Tu parles, tu parles beaucoup, mais tu ne les dis pas. 

Sur ton mur défilent les statuts dérisoires, les faux partages de musique que personne n’écoute, d’images que personne ne regarde vraiment. Tu blogues aussi. Tu écris des choses. Mais ces choses, les choses que tu voudrais dire vraiment, les choses que tout le reste ne sert qu’à cacher, tu ne les dis pas. 

Pourtant, tu sais que c’est là l’essentiel ; que toute ta vie s’est construite dans le besoin de les dire ; que depuis toujours tu cherches celles et ceux à qui tu les diras. Tu as cru les reconnaître parfois; mais soit tu t’es trompée, ils n’étaient pas ceux qui pouvaient les entendre (Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte... ) Soit tu as pensé que si ils étaient ceux-là, ils n’avaient justement pas besoin que tu les dises, ces choses; qu’ils savaient. Alors tu t’es tue, tu as attendu; tu n’as jamais vraiment su. 

Tu vis dans le mythe de la compréhension des cœurs, la reconnaissance des âmes. Sans doute tu as trop lu, trop jeune. Thomas Mann, Aragon, Stendhal, Duras, Rousseau, Baudelaire… Usant à l'envi leurs chaleurs dernières, Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux, Qui réfléchiront leurs doubles lumières Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux. Ils sont sans doute aussi responsables de cette illusion. 

De toute façon, depuis des années, tu ne dis plus rien ; tu sais que tu ne supporterais plus de te tromper encore; de rester ainsi, avec toutes ces choses déballées devant toi soudain inutiles ; alors tu ne les dis pas, et pourtant, toujours, tu espères pouvoir enfin les dire un jour. Tu relis les mots de Nerval:
« Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même et des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c'est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles. »

Tu parles, tu parles beaucoup… 
Il est des choses que tu voudrais dire, des peurs, des vibrances, des élans. 

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram…
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