vendredi 25 juin 2010

Je me souviens de Perec...


Le nez déjà dans mes projets et mes cours pour la rentrée, je me dis que j'ai envie de travailler sur W ou le souvenir d'enfance de Perec. J'adore Perec, et ce n'est pas pour une fois une hyperbole. C'est certainement l'auteur avec qui je rentre le plus totalement et systématiquement en "connexion", dans une relation  d'empathie extraordinaire, que ce soit par l'humour, l'intelligence partagée ou, comme c'est le cas pour W , par le bouleversement, au sens fort. J'ai pleuré la première fois que j'ai lu W, et l'émotion reste intacte et résiste même à l'analyse, ce qui est rare (parfois, je me dis que mon travail de prof de Lettres est un travail de destruction des textes, destruction de leur étrangeté, mystère, plaisir, opacité...)
Et pourtant, malgré les choses terribles qui se disent ici (qui se disent malgré tout), pas de pathétique, de mélo, de complaisance. Ce texte, un des plus terribles, des plus intimes qu'il m'ait été donné à lire, est aussi un des plus pudiques et élégants. C'est d'ailleurs dans cette tension que naît le bouleversement. C'est aussi un chef d'œuvre narratif, qui joue sur les codes du roman d'aventure, et dont la structure alternée constitue une expérience de lecture nouvelle et fascinante.

«C’est cela que je dis, c'est cela que j’écris et c'est cela seulement qui se trouve dans les mots que je trace, et dans les lignes que ces mots dessinent, et dans les blancs que laisse apparaître l’intervalle entre ces lignes […], je ne retrouverai jamais, dans mon ressassement même, que l'ultime reflet d'une parole absente à l’écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps auprès de leur corps ; j'écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie.»
Il faut lire W ou le souvenir d'enfance. Il faut se souvenir de Perec.


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5 commentaires:

  1. ah, j'ai eu aussi ma période Perec, à l'université...j'ai lu tout ce que j'ai trouvé de lui... les livres sont restés chez mes parents, il serait judicieux de les importer pour pouvoir les relire...

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  2. Merci pour ce texte. Oui, il faut se souvenir de Perec. J'avais beaucoup beaucoup aimé ce livre.

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  3. Encore un auteur que je n'ai pas lu... Oui je sais il faut!!!!

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  4. Je connais très mal Perec. J'avais lu "Je me souviens" il y a quelques années et j'en étais ressorti assez bouleversé, en me promettant de lire rapidement d'autres ouvrages de Perec. Assez inexplicablement cependant, je n'ai pas cessé de remettre cette découverte à plus tard; peut-être parce que je pressens qu'il existe chez Perec une douloureuse résonnance avec certaines choses qui me touchent de près...

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  5. Seriez-vous en train de m'inviter à retourner ma bibliothèque? J'ai acheté ce livre il y a longtems, mais ne l'ai jamais lu - mais ai beaucoup lu Perec par ailleurs, à telle enseigne que "W" me manque. Je pourrais y revenir - merci de m'y inciter! :-)

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